L’UTMB pour un traileur, c’est le Tour de France pour un cycliste, ce sont les JO pour un athlète, c’est la coupe du monde pour un footballeur, c’est Wembley pour rocker, c’est marcher sur la lune pour un astronaute ! C’est souvent le rêve de toute une vie…
C’est l’aboutissement de plusieurs années de préparation pour des milliers de coureurs qui ont chassé les points des mois durant, et qui ont tremblé lors du tirage au sort en janvier dernier.
C’est ensuite des mois d’attente à parcourir chaque semaine des dizaines de kilomètres dans tous les sentiers de France.
A l’approche du jour J, c’est aussi l’angoisse de la blessure qui remettrait tout en question.
Et puis le grand jour approche. L’ambiance à Chamonix toute la semaine de l’événement ne trompe pas : l’UTMB est bien le sommet mondial du trail running. Toute une vallée, 3 vallées même ! qui vivent à l’heure de l’évènement. Bénévoles, musiciens, restaurateurs, coureurs, sonneurs de cloche, commissaires, médecins, chaque habitant, chaque touriste en France, en suisse ou en Italie aura son rôle à jouer.
Le salon, la remise des dossards, le contrôle du matériel obligatoire passé, c’est plongé dans cette ambiance grisante, affublé de son bracelet rouge en guise de pass que le trailer de l’UTMB vit ses dernières heures d’attente précédent la libération.
C’est le jour J. Enfin ! Dressé face à l’église dans un ciel bleu azur, le Géant Blanc observe impassible la foule multicolore qui s’amasse sous et autours de l’arche de départ. Ce qui se passe dans la tête de celles et ceux qui vont en découdrent ne se décrit pas. Ca leur appartient. Lorsque Vangelis répand les décibels de son « Conquest of paradise » dans les rues de la ville, l’émotion est à son comble. Et puis c’est le départ. La grande aventure. Une décharge d’adrénaline hallucinante. Les frissons qui vous parcourent. Parfois les larmes qui vous viennent. Durant 1 km, une foule innombrable acclame 2300 fous partis se mesurer à la montagne et à eux-mêmes.
Un long cortège déroule ses foulées le long de l’Arve. Puis la pression doit redescendre et la course reprendre le dessus. C’est parti pour 170km et 10 000m de dénivelé positif, il ne s’agit pas de partir trop vite.
8km à peine vallonnés. Les Houches. Col de Voza et déjà la montagne grave ses premières images dans nos mémoires : coucher de soleil couleur pastel sur les Aravis. On savoure avant de plonger vers Saint Gervais… et dans la nuit.
Malgré la chaleur, jusqu’à Notre Dame de la Gorge, la foule nombreuse porte les runners. Le pas est encore léger. C’est là aussi que commence l’ascension du Col du bonhomme, première grosse difficulté qui nous mène à 2600m d’altitude.
04h00. 15 minutes de sommeil aux Chapieux. La nuit est douce. La piste parcourue frontale éteinte jusqu’à la ville des Glaciers est tout simplement magique. De part et d’autre de la vallée, la pâle lueur de la lune suffit à dessiner le contours des sommets alentours. La voie lactée au milieu brille de mille feux.
La montée suivante du col de la Seigne offre aussi son moment de féérie. Chaque épingle du sentier offre une vue imprenable sur le cordon ininterrompu des frontales qui serpentent sur des kilomètres en fond de vallée.
Col de la Seigne. Lever de soleil. Le vent souffle et il fait frais. Pas longtemps. La terrible montée en pierrier vers les pyramides calcaires réchauffe les organismes, et ceux qui sont partis vite commencent à payer l'addition.
Potage de nouilles au Lac Combal. Arrêtes du Mont Favre. C’est dur mais la perspective de la base de vie, des amis et des supporters à Courmayeur fait oublier la fatigue.
La descente très raide sous le télécabine dans la poussière est terrible. Il fait chaud. En bas, un jet d’eau arrose le chemin. On s’y arrête pour se rafraichir. Au ravitaillement, les familles et amis sont d’un grand réconfort. Leur soutien est tellement important, leur dévouement tellement touchant. Et ils seront là jusqu’au bout, pour tous, parfois presque sans dormir pendant 2 jours.
Pneus neufs, batteries rechargées : il faut déjà repartir sous la chaleur accablante du soleil de midi. Le Refuge Bertone est 1000m plus haut. Le chemin est raide. Les organismes souffrent (en témoigne la vidéo !).
La section de Bertone à Bonatti est attendue plus facile mais la chaleur insoutenable la rend interminable. Chaque ruisseau, chaque torrent est une occasion de s’arroser pour refroidir un peu le moteur. Au ravitaillement de Bonatti, nombreux sont ceux qui peinent à s’alimenter.
Arnuva. Km 96. Dernier réconfort des proches qui suivent leurs héros avant la nuit. Le torrent offre à certains un peu de fraicheur avant la redoutable ascension du grand col ferret, et la longue, très longue, trop longue descente vers la Fouly !
Déjà 26h42 de course. Les muscles durcis, les traits tirés, le mental entamé, c’est ici et au check-point suivant de Champex Lac que le plus gros des abandons a lieu. C’est aussi le mien…
J’ai vibré au départ. J’ai savouré la quiétude d’une nuit sous les étoiles. Je me suis délecté de paysages somptueux baignés par le soleil. J’ai apprécié chaque moment passé avec ma sœur, ma famille, mes amis. J’ai repoussé mes limites. J’ai aimé cette course et tout ce qu’elle représente, mais je n’ai pas eu le courage de faire ces 58km restants qui s’annonçaient sans plaisir…
Vous aussi vous restez sur votre faim, vous voulez savoir ce qu'il y a après La Fouly ? Alors je reviendrais…
Ma femme, Jimmy, Famille, Amis, collègues, connaissances, merci à tous de votre soutien et de m’avoir suivi.