PASSION RAID TRAIL ULTRA Un hymne aux sports nature et à la montagne

Grand Raid des Pyrénées 2015

131km de hauts et de bas : c'est donc ça l'ULTRA TRAIL !

Réveil

Le réveil s’époumone inutilement. Il est 3h30 du matin, mais je ne dors plus depuis un certain temps. Je ne sais pas d’ailleurs si j’ai vraiment dormi. Quelques minutes plus tard dans la salle à manger, c’est petit déj’ "gâteau sport" pour moi, vérification du matériel pour Lysou, et relecture du profil pour Ludo. Chacun y va de son petit rituel pour aborder le plus sereinement possible les montagnes de difficultés qui nous attendent. Sylvie, qui sera reporter et supporter se paie le luxe d’un petit supplément de sommeil.

Ambiance de départ

Nous avons rendez vous avec Françoise et Patou à l’entrée du pont de Vielle Aure à une centaine de mètres du départ. Pour éviter les traditionnels embouteillages de début de course, Ludo veut se glisser dans la première partie du peloton. Ces longues minutes qui précèdent un départ ont quelque chose d’étrange. Dans la nuit noire se croisent des centaines regards teintés d’inquiétude et d’impatience, de certitudes et de doutes, de peur et de confiance.  Entre inconnus, on échange ces regards complices qui en disent long sur ce qui nous attend, et entre amis, on se rassure comme on peut en échangeant tantôt les sensations, tantôt les ambitions. Au milieu de ce grand mélange de sentiments, un point commun : l’envie d’en découdre avec cette montagne qui nous tend les bras.

Faut y aller !

PAN ! 5h ! La longue procession des 600 frontales s’étend le long du torrent sur les 1ers kilomètres de route qui nous mènent  vers les 1eres pentes à affronter. Sortis de Vielle Aure, la longue côte alterne d’abord piste en épingles et petites sentes coupant les virages. Avant d’atteindre le sommet, la nature nous gratifie d’un superbe lever de soleil coloré sur les lointains sommets, peut être pour rendre un peu moins dur la piste de ski « dré dans le pentu » qui nous mène vers le 1er col à 2000m. Une agréable descente dans les alpages déverse son flot de trailers vers le ravitaillement. Les réserves ne sont pas entamées et il fait encore frais. C’est donc pour beaucoup un mini petit déjeuner avant de repartir à l’assaut du difficile col de Bastanet. Les paysages sont magnifiques et la variété des terrains très exigeante. Le sentier serpente entre de nombreux petits lacs dans un énorme dédale de rochers qui nous servent de marches naturelles, quoique pas très régulières. Je rejoins Ludo peu avant le sommet d’où nous nous offrons une petite barre chocolatée tout en contemplant le panorama. Il est environ 9h et la 1ere difficulté est avalée…

Après la montée…

Avalée, c’est du moins ce que nous imaginions, mais c’était sans compter sur l’extrême exigence de la descente qui ne laisse aucun répit. Pierriers interminables, traversées de ruisseau, sentier très raide et parfois glissant, la concentration doit être maximale, et je me prends un instant à penser que 160km comme cela : ça va être dur… très dur… d’autant que le soleil nous accompagne désormais et qu’il commence à faire chaud.

Ravitaillement

Quelques montagnes russes plus tard, c’est vers 11h que j’aperçois la team de supporters composée de Sylvie, Carine et Jimmy postée sur une colline à l’entrée de la Mongie. Je suis suivi à quelques minutes à peine de Ludo, Lysou et Patou. Nous sommes partis depuis déjà 6h, ce 2eme ravitaillement est le bienvenu. Une dizaine de minutes pour faire le plein d’eau, de sucre et de fruits secs et je repars juste avant mes 3 comparses.  Eh m… quelques minutes après être repartis, j’essaie désespérément d’aspirer le breuvage sucré de ma poche à eau, en vain ! Je dois déjà m’arrêté pour vider intégralement mon sac et disposer correctement le tuyau de la poche à eau, malencontreusement mal remis lors du ravitaillement. Je repars. Paf ! Pas plus de 500m et un caillou dans la chaussure. Nouvel arrêt. Ça énerve. Pourtant il faut rester dans la course. Je repars en essayant de chasser de mes pensées les petites galères accumulées en 10 minutes.

Vers le Pic du Midi

Ca monte et ça monte encore ! Nous affrontons cette très longue montée en pleine chaleur, face sud, sans le moindre souffle d’air. Les organismes souffrent. Très haut au dessus de moi, les taches multicolores  des coureurs qui me précèdent me paraissent tellement loin, et tellement plus loin encore le sommet de ce pic du Midi qui se fait tant désiré… Au passage du col qui marque une grosse étape dans l’ascension, les visages marqués se décrispent un peu sous les encouragements des spectateurs. Un peu seulement car plus on s’approche de ce Pic sur la longue piste qui serpente à flanc de montagne, plus on a l’impression désagréable qu’il s’éloigne. 3200m : c’est le point culminant du parcours et la plus redoutable côte dont nous venons de nous affranchir. Après avoir pointé, je prends mon temps pour me ravitailler, m’étirer, et surtout profiter, et profiter encore de la somptueuse vue qui s’offre à moi à 360°. Je suis bien, et la perspective de la descente et de Carine, Sylvie et Jimmy qui nous attendent en bas me réjouit encore d’avantage.

Des rencontres

A la Descente, je croise d’abord Lysou qui semble bien, puis Ludo qui, fidèle à lui-même ne montre rien, mais qui n’est pas bien. La chaleur l’a entamé. Plus bas encore, je croise mon Patou qui lui semble au plus mal, mais son mental est intouchable. En tous cas, ça fait du bien de les voir ! Un peu plus bas encore : nouveau ravitaillement dans la fraicheur d’un abri militaire taillé dans le rocher. Celui là est important car la section qui suit s’annonce certes très belle et très sauvage, mais surtout très longue, très chaude et très difficile. Soupe, sandwichs, gâteaux : je prends le temps nécessaire pour bien manger refaire les indispensables réserves. Réserves que je termine d’assimiler aux côtés des filles et de Jimmy qui se sont arrêtés un peu en contrebas du ravitaillement. Ragaillardi par tous ces encouragements et ce casse croute, je repars plein de courage, n’imaginant pas à cet instant combien je vais en avoir besoin…

Minéral et Misérable

Abandonnée la longue piste du Pic du midi, le sentier se fait plus technique. Les cols et les lacs s’enchainent au beau milieu d’un paysage sauvage et minéral incroyable. Les heures défilent sous une chaleur implacable. Les coureurs un peu partout éparpillés au bord du chemin pour récupérer témoignent de la difficulté rencontrée. Le directeur de course ne nous a pas menti ! Cette portion est d’une difficulté extrême, et la chaleur qui sévit rend la progression encore plus difficile. Chaque ruisseau et lac croisé est une nouvelle occasion de se rafraichir, et je n’en manque pas une. Au pied de la dernière ascension, annoncée redoutable, je m’offre même un bain de jambes intégral  dans un torrent. L’instant est agréable… mais insuffisant pour faire de la montée une ballade. Sous une chaleur toujours plus suffocante, ce col est terrible. Une fois en haut, je m’écroule quelques instants dans l’herbe pour somnoler quelques minutes comme beaucoup d’autres coureurs. La descente et le long chemin de crête qui mène à Hautacam est interminable. Dur moment. Je suis misérable. Je veux arriver. Je veux arrêter. Le ravitaillement est là. Je m’allonge un long moment dans l’herbe à l’ombre d’un muret, attendant la navette…

Ou comment se remettre en selle ?

45 min se sont écoulées. Reposé, ravitaillé, réhydraté, chassées les mauvaises pensées, je me dis que Lysou ne doit pas être loin et qu’elle ne doit pas être bien en forme non plus. La voilà déjà. Elle veut arrêter. C’est trop bête. Je lui propose de reprendre ses esprits et de repartir doucement avec moi jusque dans la vallée ou la team nous attend. La perspective de la descente avec un petit groupe bien sympa dans la fraicheur (toute relative) du soir nous convint définitivement.  Go ! On descend et on verra. Divine fraicheur. 22h00 : Les derniers hectomètres avant le ravitaillement de Pierrefite nous paraissent très long mais nous y parvenons confiant et ravi de la perspective d’un repas chaud et d’un peu de repos avant d’affronter la nuit.

Interminable montée

Sur le papier, la section jusqu’au ravito suivant est une formalité. Sur le sentier, c’est une calamité. Les quelques minutes allongés sur le bitume n’ont visiblement pas suffit à nous ressusciter ! Pourtant pas si raide, la montée est un calvaire. Les kms de l’après midi ont fait des dégâts. Nous croisons de très nombreux coureurs qui redescendent après quelques minutes d’ascension, renonçant définitivement au 90km restants… L’idée nous traverse aussi l’esprit mais à 2, on se soutient. Nous faisons face et poursuivons lentement, marquant des pauses très nombreuses au prix d’une progression exceptionnellement lente. Ces 9km, on en voit pas fin ! si bien que nous décidons de nous allonger 5 min pour récupérer… à 300m du ravitaillement plongé dans le noir juste devant nous !!!

Nouveaux doutes !

Les souffrances morales (car le physique n’est pas si mal !) subies ces dernières heures ont à nouveau laissée le doute s’installer. Nous entrons dans une longue discussion avec les bénévoles pour tenter de trouver le moyen le plus rapide de rallier une route ou une navette. Vaines négociations. Le moyen le plus simple de rejoindre la civilisation est de marcher jusqu’à Cauterets, point de passage suivant, 15km plus loin. Résignés, nous dormons 20minutes sous la chaleur d’une couverture, buvons un thé bien sucré et repartons doucement dans la nuit profonde et silencieuse encouragés par les bénévoles.

De surprises en surprises !

1ere surprise : le moral est bon ! Cette courte descente en pente douce avant la très longue montée vers le col de Contente nous fait du bien. Nous sommes seuls au monde dans cette nuit profonde. Seul au monde ou presque. Alors que nous grimpons péniblement le long de la cordelette qui nous guide dré dans la pentu en dehors de tous sentiers, nous rattrapons un coureur en perdition. Je lui glisse un mot d’encouragement. Il se retourne. Ô, surprise : c’est Patou !!! Il a du nous dépasser pendant notre sommeil à Poui Droumide. Nous faisons la fin de la montée avec lui, puis le début de la descente avant de filer avec Lysou jusqu’à Cauterets dans le jour naissant. Surprise encore : Sylvie est là pour faire la fin de la descente avec nous. Oubliés les déboires de la nuit. Nous avons dépassé les 100km et le moral est au beau fixe.

Facile.

Quelques tranches de saucisson, quelques  minutes de sommeil encore et nous voilà repartis bon pas vers notre Xeme col direction Luz Saint Sauveur. Dans la descente, un invité surprise pas encore rencontré s’invite. C’est la pluie. L’occasion de sortir la veste que nous n’aurons pas transportée pour rien. Pas très raide, pas très technique, à la fraiche : cette section est une formalité et nous arrivons sans encombres à Luz Saint Sauveur accompagné sur les derniers km de Ludo qui a récupéré de son coup de chaud. Massages, repas chaud, chaussures et vêtements secs et propres sur le dos, nous repartons sous la chaleur convaincus que rien ne pourra plus nous arrêter.

Ça gronde dans les hauteurs !

Remontant la vallée du Tourmalet sur des pistes assez roulantes, cette partie n’est pas la plus glamour du parcours mais cela nous permet d’avancer à un bon rythme. Lysou souffre un peu plus que moi et croit voir à plusieurs reprises des choses ou des gens qui n’en sont pas ! Hallucinations ! Moi, je commence à focaliser sur des bruits bien réels qui viennent des sommets. De gros nuages noirs se forment sur les hauteurs annonciateurs d’une fin de course tourmentée. Lorsque nous arrivons au ravitaillement de Tournaboup, les premières gouttes se mettent à tomber, se transformant rapidement en un violent orage. Ca gronde fort. La direction de course décide prudemment d’attendre une accalmie pour nous laisser repartir. Nous décidons donc de profiter cet interruption pour dormir un peu avant l’assaut final.

Cruelle désillusion… au pays des songes…

Assoupi, les pensées vont et viennent : Je me refais le fil de la course. Je vois la ligne d’arrivée. J’entends les encouragements. J’entends l’annonce de l’arrêt de la course !!! Non, ce n’est plus un rêve. Les conditions en haut sont apocalyptiques et il n’y a aucune perspective d’amélioration. La direction de course a pris la sage et cruelle décision d’arrêter la course. Dans la salle de repos, les regards vides, nous nous regardons tous, abasourdis par la nouvelle. Nous étions si proches.

Epilogue.

Seulement une centaine de coureurs sur les 500 engagés auront le privilège de passer la ligne de l’autre côte de la montagne. Pas nous, même si les circonstances de course nous considèrent malgré tout comme finisher. C’est ainsi… Nous auront vaillamment parcourus nos 131km passant par tous les états pour finir contraint, la mort dans l’âme au pied de la dernière difficulté...

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Date de dernière mise à jour : 25/02/2017